Deux arrêts récents de la Cour de Cassation des 25 novembre 2015 et 1er juin 2016 viennent confirmer le revirement jurisprudentiel en matière d’obligation de sécurité et de résultats pour les employeurs.
Jusque-là, et notamment au travers de l’arrêt du 3 février 2010, l’employeur ne pouvait pas s’exonérer de son obligation de sécurité et de résultat sauf cas de force majeure. Il y avait quasi systématiquement condamnation de l’employeur quand bien même ce dernier avait tout mis en œuvre pour prévenir et empêcher ce type de faits.
Arrêt 1068 du 1er juin 2016 : « Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser. »
Désormais, avec ces deux arrêts qui concernent des situations de harcèlement moral, il est possible pour l’employeur de s’exonérer de cette responsabilité sous deux conditions :
- L’employeur a pris toutes les dispositions pour mettre fin au harcèlement moral et y a mis effectivement fin.
- L’employeur a pris en amont toutes les mesures de prévention prévues par la loi pour empêcher de tels faits de harcèlement moral.
La difficulté restera pour l’employeur d’apporter les faits permettant de prouver que toutes les mesures ont été prises en amont.
Néanmoins, ces deux arrêts sont importants car ils renforcent la nécessité et l’intérêt pour l’employeur d’agir en amont et au moment de la connaissance des faits afin pouvoir s’exonérer de sa responsabilité de sécurité et de résultats. Alors qu’auparavant, quoiqu’il ait fait en matière de prévention, l’employeur était quasiment systématiquement condamné en cas de harcèlement incontestable.
Il y aura donc désormais un intérêt renforcé pour l’employeur – et un levier juridique supplémentaire pour les élus du CHSCT – à mettre en place une véritable politique (diagnostic, plan d’actions, mise en œuvre, évaluation, corrections) de prévention des risques. Sans modifier la loi et sans contrainte supplémentaire, les juges du fond vont, par leur décision, dans le sens d’une mise en action au service de la prévention plutôt que dans une impasse juridique.
Les représentants du personnel au CHSCT ou de la DUP pourront utilement s‘appuyer sur ces nouvelles décisions pour faire avancer les actions concrètes notamment pour prévenir toute situation de harcèlement moral ou de violence dans l’entreprise. Le rôle du CHSCT lui-même pourra être renforcé. La qualité ou non des échanges, des débats, des réflexions, des propositions qu’il sera amené à traiter pourront constituer des éléments de preuve (dans un sens ou dans l’autre) en cas de situation de harcèlement avérée. Encore faut-il que les élus s’en emparent.