La loi Travail et l’article L.2242-8 du Code du Travail ont introduit l’obligation de négocier sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la Qualité de Vie au Travail (QVT). Le 7ème et nouvel alinéa concerne ce que l’on appelle le droit à la déconnexion et sa mise en place dans l’entreprise, effectifs depuis le 1er janvier 2017.
Cette inscription dans le cadre légal, au-delà du caractère obligatoire qu’elle revêt dans les moyens, doit surtout inciter les parties prenantes des entreprises à réfléchir aux conséquences et impacts des nouveaux outils numériques dans la vie professionnelle. La loi n’oblige pas l’employeur et les représentants du personnel à aboutir à un accord mais elle pose le sujet. C’est un progrès en ce sens. Surtout parce qu’il y a lieu de s’interroger aujourd’hui, dans beaucoup d’environnements professionnels, sur la nécessité de clarifier les frontières entre la vie privée et la vie professionnelle.
Il n’est pas question évidemment de revenir 30 ans en arrière et d’ignorer ce que les outils numériques nous apportent en termes de productivité et de fluidité dans l’accès à l’information en général.
Une étude récente indique que 74% des cadres français regardent leurs emails en dehors de leur temps de travail, qu’ils y passent 5.6 heures par jour et que 87% des 18-34 ans consultent leurs emails directement sur leur smartphone*.
Le problème vient principalement du fait que cette évolution n’a quasiment pas été accompagné par de la formation. L’apprentissage de l’utilisation de ces outils et pratiques est rarement prise en compte par les entreprises. On considère souvent que la messagerie ou les autres outils numériques courants sont maitrisés par tout le monde. Combien d’entreprises forment leurs salariés au bon usage de la messagerie ? On forme des salariés sur des outils utilisés 20 jours par an mais on ne fait rien pour une activité qui prend plus de la moitié du temps de travail de certains !
La frontière entre privé et professionnel n’est plus aussi étanche qu’auparavant. Il nous arrive plus fréquemment de traiter du professionnel chez soi le soir ou le week-end mais nous passons aussi du temps sur des sujets personnels sur le lieu de travail. Nous ne reviendrons donc pas en arrière d’autant que beaucoup d’entre nous trouve intérêt à mieux gérer son temps et ses priorités.
Pourtant, laisser faire ou laisser le système s’autoréguler n’est pas la bonne solution. Tout le monde n’est pas armé de la même façon pour faire face aux difficultés qu’entraine cette porosité entre notre vie privée et notre travail.
Afin d’aider les délégués syndicaux et les employeurs à identifier les pistes d’actions possibles, le CHSCT doit trouver sa place en amont et en aval.
En amont, par l’identification des problématiques soulevées par cette connexion permanente et le travail d’analyse des risques. Le document unique mentionne-t-il les risques inhérents à cette difficulté à couper les ponts ? L’analyse des temps de travail sur la messagerie fait-elle apparaitre des pics d’activité numérique anormaux ? Le sujet de la déconnexion est-il abordé lors des visites ou inspections ? En aval, par l’appropriation des indicateurs de suivi qui auront été prévus par l’accord ou qui seront proposés par le CHSCT en accompagnement de la mise en œuvre de la charte que l’employeur aura élaborée. Certes, le CHSCT n’est pas consulté par défaut (c’est le CE ou à défaut les DP) mais les thématiques traitées sont pleinement de son ressort.
Nous invitons donc tous les représentants au CHSCT, les présidents, les préventeurs et l’ensemble des acteurs de la prévention à s’approprier ce sujet … et à se former bien entendu !
*Etude réalisée en juillet 2015 par la société Adobe auprès de 1600 cadres en Europe et aux Etats-Unis.
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